ARDENNE 1943
L'abbaye confisquée à la Révolution française sera achetée en 1791 par des propriétaires privés, ce qui aura comme aboutissement une séparation en 3 propriétés distinctes.
En 1943 la famille Huard habite la partie comprenant l'abbatiale, la famille Lachcure la partie des communs, la famille Vico la partie ferme des moines, les Vico sont alors parents de 7 enfants.
Décembre 1943
Le drame : un dépôt d'armes parachuté par les forces alliées est entreposé dans la partie ferme sous la responsabilité d'un fils, Jacques Vico, aidé par son frère Jean-Marie.
Mr Vico est arrêté par la Gestapo, en qualité de maire de la commune il délivrait de fausses cartes d'identités, pour ceux qui se cachaient et entraient dans la clandestinité . Il sera déporté à Mauthausen.
Craignant une perquisition, Jacques et son frère, aidés par des résistants, déménagent dans la nuit toutes les armes (elles serviront à la libération de Caen), puis ils entrent dans la clandestinité, rejoignant leur frère aîné Francis, caché pour échapper au STO.
La sœur aînée Jacqueline est dans un réseau de résistance à Paris.
Noël 1943
La Gestapo ayant été informée du dépôt d'armes caché à l'abbaye vient arrêter Mme Vico. Désormais, toute la famille est dispersée et la ferme est vide.
6 et 7 juin 1944
Le débarquement des troupes canadiennes:
Après avoir débarqué à Juno Beach, les unités canadiennes composées de la 3e division d'infanterie, 2e brigade blindée et du 1er bataillon canadien de parachutistes (sous le commandement de la 6e division aéroportée britannique) affrontent de durs combats dans le secteur Authie Buron St Contest, combats particulièrement meurtriers avec la prise du terrain puis le recul sous la pression de la Wehrmacht. Le terrain est chèrement repris par les troupes canadiennes.
En face d'eux le général SS Kurt Meyer a installé son QG à l'abbaye, lieu stratégique important. Du haut de l'abbaye il peut découvrir toute la plaine jusqu'à la mer. Beaucoup de prisonniers transitent par l'abbaye, Mr Huard resté sur place en témoigne, des blessés sont emmenés par les Allemands sur des charrettes et puis des disparus, les familles seront informées rapidement.
Débarquement des troupes canadiennes devant Bernières sur Mer (secteur Nan Juno Beach) le 6 Juin 1944
Les blindés canadiens s'enfoncent dans les terres .
Début Août 1944:
Madame Vico, libérée des griffes de la Gestapo par la Croix Rouge, en l’absence d'aveux et de preuves, revient avec ses 2 plus jeunes enfants. Elle, ses deux derniers enfants et son fils Jean-Marie, résistant qui en a fini avec sa mission après la libération de Caen, rentrent dans une abbaye complètement en ruines.
Les autres sont en situation difficile: Mr Vico père est toujours déporté, Jacqueline résistante à Paris pas encore libérée, Jacques est engagé dans la Division Leclerc pour poursuivre le combat avec les alliés.
La petite famille loge dans une partie du grenier au dessus du petit parc.
Septembre 1944:
Le sergent canadien Dudka revient à la ferme et raconte son évasion: fait prisonnier avec d'autres soldats il a pu s'échapper par la petite porte, dite porte de Bayeux.
Il alerte la famille Vico : «J'ai vu des cadavres».
Novembre 1944:
Dans les bâtiments en ruines, on découvre le corps d'un soldat allemand.
Début 1945:
Alors que le petit parc a été épargné par les bombardements, les 2 plus jeunes enfants, Roland et Michel, remarquent que la terre au pied du petit marronnier a été remuée. Ils creusent alors et trouvent un premier corps, qui est face contre terre et porte une blessure par balle dans la nuque; il est revêtu d'un uniforme militaire.
Puis Jean Marie découvre d'autres corps dans la même position et met une croix aux emplacements trouvés.
Mars 1945:
Madame Vico mère remarque que les perce-neige qui entourent la pelouse du petit parc poussent en désordre alors que la pelouse a été reconstituée dans sa forme initiale.
Intriguée, elle demande à ses enfants de fouiller le terrain; il s'ensuit la découverte de 5 autres corps.
Mai 1945:
L'autre fils Jacques, engagé dans la Division Leclerc vient en permission.
Souhaitant que la découverte des corps ne soit pas uniquement le fruit du hasard, il demande au radiesthésiste, le père Gab, de prospecter sur l'ensemble du terrain; la prospection permet alors de découvrir les derniers corps.
Extrait de la lettre de Mme Vico mére à son fils Jacques de retour de permission:
Les Autorités anglaises relèvent les corps, les identifient, puis leur donnent une sépulture digne dans le cimetière de Bény sur Mer. De «disparus» ils deviennent «tués au combat».
Ils sont vingt: 12 appartiennent au NNSH (North Nova Scotia Highlanders), 6 appartiennent au Sherbrooke Fusillers Regiment 27 CAR (Canadian Armoured Regiment) et 2 au Dundas Stormont and Glengarry Highlanders.
Juin 1945:
Le récit du drame est fait par le témoin, un jeune polonais du nom de Jesionek, enrôlé de force dans la Wehrmacht à l'âge de 16 ans.
Jacques et Jean Marie écoutent avec émotion le récit de ce jeune polonais déserteur, présent lors des faits à l'abbaye.
Il raconte l'interrogatoire, tout ce qu'il a entendu puis les exécutions. Tout ce que les corps révélaient est précisé.
Les Autorités canadiennes mènent l’enquête auprès de prisonniers allemands qui auraient pu avoir des renseignements sur les faits, et leurs témoignages vont se recouper avec celui du jeune polonais.
Le dossier est complet, il est accablant pour le général Kurt Meyer.
13 déc 1945:
Le général Kurt Meyer présent sur les lieux lors du massacre est inculpé.
Au titre du viol de la Convention de Genève, le premier procès des criminels de guerre se déroula à Aurich (Allemagne) auprès d'un tribunal canadien.
Les accusations de torture et meurtre sur des prisonniers de guerre sont retenues: exécutions sommaires, corps dissimulés mis en terre sans aucun respect, sans aucune croix ni aucune trace pour les retrouver. Madame Vico et son fils Jean Marie sont appelés comme témoins avec d'autres, dont Jesionek.
Kurt Meyer est reconnu coupable et condamné a mort, mais cette peine sera réduite à de la prison et sera purgée au Canada.
Kurt Meyer devant le tribunal canadien à Aurich (Allemagne) 1945
1954:
Le climat est à la réconciliation, Kurt Meyer est libéré pour bonne conduite le 7 Juin 1954, il décédera d'une détresse cardiaque le 23 décembre 1961.
Commentaires
1 colin McGarry Le 16/03/2017
trés interessant.
La photo des troupes avancant de la plage sont des britaniques à Gold.